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Les mines anti personnelles utilisées dans certains conflits armés, parviennent à faire des victimes après la fin des conflits si aucune mesure de déminage n’est prise même plusieurs années après.

Aujourd’hui au Congo, comme dans la plupart des pays en développement, à l’issue d’un accouchement dystocique débouchant sur une fistule obstétricale, de nombreuses femmes, leurs proches et les communautés sont des années durant  frappés par les explosions de mines sociales de stigmatisation, du rejet, de recul économique.

Si l’on admet que la fistule obstétricale ne constitue pas en soi une urgence médicale, les chirurgiens (urologues et gynécologues) du CHU ont cependant fait une expérience établissant la preuve que « la nécessité d’offrir et d’assurer une prise en charge gratuite aux femmes de conditions sociales modestes atteintes de fistule obstétricale constitue bien une urgence humanitaire en ce qu’elle a permis de leur épargner la vie pour certaines en plus de leur rendre la dignité, au travers d’un véritable déminage chirurgical visant d’autres pathologies et anomalies découvertes en cours d’intervention».

On assiste à une véritable opération de « déminage chirurgical » des femmes opérées de fistule obstétricale  avec l’appui de UNFPA au CHU de La fistule obstétricale se révèle finalement comme une urgence humanitaire complexe.

Nestor attend devant le bloc opératoire la sortie de sa femme Elodie. Son visage est très lourd, il n’a rien pris depuis ce matin, il est préoccupé, il accroche du regard tout anesthésiste qui s’aventure à l’extérieur, se rapproche timidement pour tenter de prendre les nouvelles d’Elodie.

Les compléments de médicaments ne font qu’arriver apportés par le surveillant de service. Les mouvements d’aller venue entre le service et le bloc opératoire sont accélérés. Il se passe certainement quelque chose de grave ! Mais comment le savoir ?

 

Elodie est en salle opératoire depuis neuf heures, elle est la première sur le programme d’aujourd’hui, et il est maintenant treize heures elle n’en sort pas ! Les autres femmes attendent qu’on vienne les chercher dans le service pour le bloc. Elles aussi sont préoccupées, elles craignent d’être ajournées !  A Nestor rien n’est demandé, il est cependant visiblement en demande, il souffre de ne pas pouvoir formuler, sa situation de démunie retient sa langue dans sa poche. Ce sont ses yeux qui parlent plus. Il retient son souffle ! 

Enfin Elodie sort du bloc, pour les chirurgiens la journée est terminée, il est 14 heures, ils sont épuisés. La voilà la chère Elodie toute gelée sur son lit poussée par les anesthésistes qui la ramènent dans le service.

Le cœur serré, Nestor fait l’escorte dans le silence ! Voilà qu’il remarque un flacon transparent posé au bas du lit chariot d’Elodie, dans celui-ci on peut voir une masse sphérique. La taille de l’objet impressionne Nestor étonné. Cet objet a été extrait du corps d’Elodie ? Ces yeux s’écarquillent, c’est comme s’il voyait floue !

Elodie ne sait pas ce qui s’est passé, le sommeil anesthésique la retient encore. Quand après son réveil elle retrouve un peu de force et peut parler, sa première phrase « Malgré ma plaie, je sens qu’il y a un très grand changement dans mon corps ! ». Quand les médecins lui présentent la lithiase, à la vue de celle-ci sa confusion est très grande : « J’avais des difficultés pour bien me tenir, pour marcher, etc. On me parlait d’hémorroïde, or c’était ça le problème ! Merci Seigneur !».

Les docteurs BANGA Mouss, ANDZZIEL Steve sont parmi ceux qui ont réalisé cette intervention. « Le travail n’a pas été facile, en ouvrant nous sommes tombés sur une énorme lithiase dans la vessie. L’option fréquente dans ce genre de situation consisterait à réaliser une intervention en deux temps : enlever la lithiase d’abord, refermer et attendre que les tissus se reconsolident, reprendre ensuite plus tard pour fermer la fistule. Nous avons plus tôt choisi l’option de faire le travail en une fois. Nous savions qu’il y avait déjà infection, et que les chances de succès étaient très aléatoires. Toutefois, nous étions en face d’une femme en situation de pauvreté, qui vient d’un village éloigné, et dont nous savons qu’elle ne peut pas se prendre en charge en dehors du programme. Nous avions donc décidé de lui donner cette chance en espérant que le résultat puisse être le meilleur possible! » - nous raconte l’un d’entre eux.

« Effectivement le travail n’a pas été facile, les tissus lâchaient à chaque tout de fil, mais nous avions mobilisé pour cette dame tout notre savoir afin de pouvoir espérer obtenir le meilleur résultat possible et rendre à cette dernière sa dignité et sécuriser sa vie! » - a enchaîné l’autre.

Ce scénario s’est reproduit les jours suivant pour Flore, elle avait une masse kystique, pour Chantal qui avait un problème de ligature de l’urètre avec inflammation du rein gauche, et chez Lydie dont le vagin avait été fermé par un confrère qui avait cru résoudre ainsi le problème des urines. Le cas de cette dernière est plus délicat au stade où il est.

Finalement, cette série de femmes est vraiment toute particulière : ce sont des femmes bien plus jeunes encore âge de procréer, mais aussi avec des problèmes beaucoup plus complexes !

C’est comme avoir travaillé sur un champ plein de mines pouvant sauter à n’importe quel moment.