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«Les femmes que je reçois ici sont dans un état très critique. Elles sont démunies et n'ont vraiment rien», explique Albertine Lelo, sage-femme à Dongou, au Congo Brazzaville. Depuis novembre 2009, suite à des violences interethniques dans la Province de l'Equateur en République Démocratique du Congo, quelques 120,000 personnes se sont déplacées de l'autre côté de la rivière Oubangui, au nord du Congo Brazzaville, dans le Département de la Likouala.

 


La population réfugiée est supérieure en nombre aux populations locales dans ces localités, ce qui ne va pas sans créer de tensions. Par ailleurs, les femmes et enfants représentent la majorité de la population réfugiée. L'absence de soutien médical provoqué par le déplacement cumulé au manque de planification familiale, de soins maternels et à l'exposition aux violences sont autant de facteurs de risques pour les femmes et leurs bébés. Par ailleurs, toutes les femmes, même dans un environnement stable, ont des besoins physiologiques auxquels il faut répondre.

La Représentation du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) en République du Congo joue un rôle majeur depuis le début de la crise en fournissant des équipements lourds, produits et services visant à la protection de la santé maternelle et de la reproduction, y compris la prévention du VIH/Sida et la prise en charge psycho-sociale des victimes de violences sexuelles.

Par exemple, durant le seul cours du mois d'avril 2011, l'UNFPA a fourni près de 4,6 tonnes de kits d'urgence en santé de la reproduction aux centres de santé de la région. Ces kits sont constitués notamment de serviettes hygiéniques, pagnes, bidons, préservatifs, savons et de gants et autres matériels utilisés pour le suivi des grossesses et accouchements. Outre une tendance à la réduction du nombre de cas de violences sexuelles rapportés au cours de l'année 2010, la présence des femmes aux consultations prénatales est passée de 20 à 70%, un taux plus élevée que la moyenne nationale.

Une logistique complexe et couteuse

Les acteurs humanitaires, dont l'UNFPA, doivent faire face à de multiples difficultés logistiques pour mener à bien leurs activités. Une des difficultés est d'atteindre les réfugiés. Répartie le long du fleuve sur une distance d'environ 600 kilomètres, la quasi-totalité des sites de réfugiés est dans des zones enclavées, accessibles principalement par voie fluviale. Or, le fleuve est difficilement praticable quelque soit la saison de l'année. En saison sèche, le faible niveau d'eau limite la navigation tandis qu'en saison des pluies, les embarcations ont pour obligation de s'arrêter à chaque intempérie, ce qui ralentit considérablement la progression. Les routes, en mauvais états, ne permettent pas de couvrir pas la totalité de l'axe.

Depuis Brazzaville, le matériel doit être envoyé par avion à Impfondo, seul aéroport fonctionnel du département. Vu les difficultés d'atteindre Bétou depuis Impfondo, les humanitaires sont contraints d'utiliser d'autres alternatives pour y transporter du matériel volumineux en faisant parfois venir le tout par route depuis le pays limitrophe, la République Centrafricaine.

Pour ces raisons, cette crise est l'une des opérations les plus coûteuses per capita de l'histoire humanitaire. L'appel de fonds d'urgence lancé par le Système des Nations Unies (CAP) en 2010 s'élevait à 59 millions de dollars.

Financer cette intervention humanitaire est donc difficile alors qu'un travail considérable reste à faire. « Nous avons enregistré des progrès spectaculaires en matière de santé maternelle tant auprès des populations réfugiées que locales » explique David Lawson, Représentant du Fonds des Nations Unies pour la Population dans le pays. « Cependant, l'UNFPA ne dispose de fonds nécessaires pour apporter son assistance aux populations réfugiées en République du Congo que jusqu'en juillet 2011.»

Or, d'après les données collectées sur la santé de la reproduction par l'antenne de l'UNFPA à Impfondo, auprès des femmes fréquentant des centres de santé témoins à Impfondo et Bétou, on déplore une progression de la syphilis et du VIH/Sida à la fois chez les populations locales et réfugiées, avec des taux de prévalence inquiétants à 11% pour la syphilis et 13% pour le VIH/Sida.

L'inquiétude quant à l'avenir de l'assistance de l'UNFPA

En avril dernier, le HCR a annoncé le report du rapatriement des réfugiés, estimant que les conditions de sécurité nécessaires à un rapatriement volontaire n'étaient pas encore réunies pour lancer l'opération. Cet ajournement suscite de l'inquiétude à l'UNFPA quant à la poursuite de l'assistance humanitaire aux populations réfugiées. « Aussi longtemps que les réfugiés sont présents dans la Likouala, les femmes vont continuer à avoir des besoins en serviettes hygiéniques ; des enfants vont continuer à naitre; la prévention du VIH et des violences sexuelles devra se poursuivre, » mentionne David Lawson.

Tout en rappelant et en y souscrivant que l'immense majorité des réfugiés souhaitent rentrer chez eux lorsque les conditions de sécurité seront réunies, l'UNFPA espère que la communauté internationale continuera à soutenir financièrement les efforts humanitaires des Nations Unies en République du Congo, tant que les réfugiés de la RDC s'y trouveront.