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Depuis plusieurs années, l’UNFPA Congo accompagne les populations autochtones de ce pays en vue d’améliorer leurs conditions de vie, particulièrement en matière de santé de la femme, et promouvoir le respect de leurs droits. Lors de notre dernière mission dans le département de la Sangha et dans les villages environnant Ouesso et Pokola, nous avons rencontré plusieurs jeunes femmes autochtones lors de deux tournées de sensibilisation sur le planning familial. Pendant ces tournées, nous avons aussi abordé la question de la raison pour laquelle tant de femmes autochtones préfèrent mettre au monde dans leurs villages au lieu de se rendre à l’hôpital ; un problème qui semble être commun sur tout le territoire national.

Notre équipe, composée à la fois du personnel de l’UNFPA et de ses partenaires tels que la Direction Générale de la Population représentée par deux sages-femmes, et de Carine Nzere, présidente de l’association « Debout Femmes Autochtones », a rencontré et sensibilisé plusieurs jeunes femmes autochtones enceintes.

Dans un village à 30 minutes en voiture de Ouesso, où les autochtones et les bantous cohabitent, un atelier a rassemblé 20 femmes enceintes. L’atelier, très animé a fourni aux femmes de précieuses informations, allant du calcul du cycle menstruel aux visites régulières aux sages-femmes durant toute la période de la grossesse. Les discussions ont ensuite porté sur la question de savoir pourquoi tant de femmes autochtones préfèrent accoucher dans leurs villages au lieu de se rendre à l’hôpital local de Ouesso. Encouragées à parler, les femmes nous ont fourni tout un arsenal de réponses diverses comme les difficultés financières, les moyens de transport ou encore la discrimination dont elles sont l’objet. Mais alors qu’apparemment, une grande majorité de femmes autochtones préfèrent encore accoucher « à la maison »,  une part croissante d’entre elles se rend dans les hôpitaux.

Une des jeunes mères, Pambou, âgée de 14 ans, insiste sur le fait qu’une majorité de femmes autochtones préfèrent donner naissance dans leurs maisons. « La plupart des femmes autochtones accouchent à la maison. Elles disent qu’elles n’ont pas d’argent ou d’habits pour aller à l’hôpital. Nous voulons pouvoir être informées et prendre cette habitude d’aller accoucher à l’hôpital comme les bantous. »

Menguire, âgée de 16 ans et mère de quatre enfants, relaye les dires de Pambou et explique que le manque de moyens financiers est l’une des raisons pour lesquelles elle n’a elle-même jamais accouché à l’hôpital. « Quand je mets au monde, j’accouche à domicile avec l’aide d’une accoucheuse traditionnelle. Je ne peux pas aller à l’hôpital pour des raisons financières, en plus c’est loin, et marcher jusqu’à Ouesso n’est pas facile. »

Alors que plusieurs femmes disent éviter les hôpitaux pour plusieurs raisons, d’autres perçoivent comme évident de préférer accoucher dans des établissements sanitaires établis. Par exemple, Mahde, qui a déjà cinq enfants, explique que chaque fois qu’elle doit accoucher, elle le fait à l’hôpital. 

Alors que les raisons qui maintiennent la communauté autochtone à l’écart des hôpitaux sont d’origines hétéroclites, d’autres affirment que c’est surtout une question générationnelle, du moins si l’on en croit Simone, 61 ans, originaire de Pokola. « C’est maintenant que les mamans autochtones commencent à mettre au monde à l’hôpital. Personnellement, moi j’ai accouché dans mon village, mais quand à mes enfants elles préfèrent partir à l’hôpital, et ça me fais plaisir de voir que les temps changent. »

Pour compléter notre vision, nous nous sommes adressés à des sages-femmes pour avoir leur avis sur les facteurs expliquant les accouchements des femmes autochtones dans leurs villages et comment avancer. Leurs réponses furent variées, mais elles se sont toutes accordées sur l’importance d’accroître le niveau de sensibilisation dans la communauté autochtone et que cette responsabilité d’atteindre cette communauté incombe aux autorités.

Clarisse, native de Pokola, travaille comme sagefemme traditionnelle, un métier qu’elle effectue depuis plus de six ans qui lui a été enseigné par ses aînées. Lorsque nous l’avons rencontrée dans le village, elle nous indiqué l’endroit, sous un arbre, où elle aide les femmes enceintes  à accoucher. « Quand les femmes viennent pour accoucher, j’installe une natte au pied d’un arbre, et pour couper le cordon j’utilise un bout de bambou ».

 

A ce jour, le métier de sage-femme traditionnelle n’est pas reconnu par l’Etat, mais au vu de leur savoir-faire et de leur grande expérience, d’abord et surtout parmi les communautés autochtones, elles ont un rôle crucial à jouer dans la quête d’emmener ce groupe de femmes à accoucher dans les hôpitaux.

Soucieux de promouvoir des services de santé maternelle adéquat et tenant compte des réalités culturelles particuliers des unes et des autres, UNFPA a pu collecter des informations qui ont permis de revoir sa stratégie de renforcement de qualité des services de santé en faveur de la mère et l’enfant prenant en compte les droits de toutes et tous.