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«Depuis le retour d’Odile de Pointe-Noire, elle est devenue mon mari et moi sa femme ! » Ainsi s’exprime Pascal, le mari d’une femme souffrant de fistule obstétricale guérie suite à une prise en charge médicale réalisée à Pointe-Noire par le bateau médical Mercy Ships avec l’appui du Comité national de lutte contre la fistule. En effet, une femme guérie de la fistule obstétricale ne doit pas fournir assez d’effort pendant au moins trois mois. Le couple observe scrupuleusement les recommandations des médecins.

 

Faut-il indiquer qu’Odile est l’une des rares femmes souffrant de fistule obstétricale à avoir un mari qui la soutient durant toutes les épreuves de la maladie et de traitement depuis près de 15 ans. Agée d'une cinquantaine d'années, Odile avait contracté une fistule à son quatrième accouchement. Elle avait 38 ans à l'époque. Son mari et elle ont été rejetés par leurs propres familles. Dans le village, ils avaient été obligés d'aménager leur habitation à l'écart des autres. Dans cet isolement imposé, leur vie a été un calvaire, le cercle d'amis se réduisant aux autres exclus sociaux. La stigmatisation étant devenue leur pain quotidien. Heureusement que la fistule se soigne et se guérit.

Pascal veille à ce que rien ne perturbe le processus de guérison de sa femme car une fausse manœuvre due à la négligence peut tout compromettre comme cela arrive souvent. « Ma femme ne fait rien, elle doit se reposer, elle a trop souffert. Je lui mets de l'eau à la douche, je lave ses vêtements et je lui prépare à manger. Je fais tout seul les travaux. Je lui permets de m'accompagner maintenant qu'elle a un peu de force, mais elle ne touche à rien! ». Pascal a fait cette déclaration devant les travailleurs sociaux lors d’une formation sur l’utilisation du guide d’accompagnement des femmes atteintes de la fistule obstétricale organisée du 22 au 24 octobre dernier à Ewo, chef-lieu du département de la Cuvette Ouest, au Congo-Brazzaville. L’élaboration du guide et la formation, organisée par le Comité national de lutte contre la fistule, ont été financées par l’UNFPA.

Dans le quartier tout le monde a remarqué qu'Odile fait de l'embonpoint et s'embellie au jour le jour sous le regard vigilant de Pascal. « Mon épouse est redevenue belle et elle s’est rajeunie », dit-il avant de l’embrasser devant les travailleurs sociaux. « Pascal est devenu trop jaloux depuis que sa femme est guérie», dit-on dans l’entourage du couple. Pascal n’a pas manqué de témoigner leur reconnaissance aux travailleurs sociaux et pour les bienfaits reçus du projet de prise en charge gratuite de la fistule obstétricale du Ministère de la santé et de la population, mis en œuvre par le CHU de Brazzaville, avec le financement de l’UNFPA. Cependant, autant Pascal ne peut cacher sa joie de voir sa femme guérie, autant il ne peut oublier d’autres femmes qui souffrent encore de cette affection.

Il a demandé aux agents sociaux de ne pas baisser les bras. « Car moi et ma femme sommes toujours rejetés par nos familles respectives et par les gens de notre quartier. Des gens croient que ma femme est toujours malade en dépit du fait qu’elle est guérie. Nous ne sommes pas acceptés. En plus nous connaissons, ma femme en particulier, d'autres femmes qui souffrent de cette maladie mais qui se cachent encore tant qu'il n'y a pas une opportunité réelle de leur prise en charge. Certaines femmes regrettent de n'avoir pas fait le déplacement de Pointe-Noire comme Odile ». Des applaudissements nourris et des cris de joie ont accompagné le témoignage de Pascal et Odile.

Odile a dû parcourir plus 1200 kilomètres pour obtenir la guérison à Pointe-Noire. La présence d’un psychologue, Cyr Samba, affecté à bord du bateau médical Mercy Ships par l’UNFPA, avait permis à Odile de briser son isolement dans la ville et dans un complexe hospitalier qu’elle découvre pour la première fois. Depuis son retour à Ewo, elle est convaincue qu’elle est guérie tout en continuant à bénéficier du soutien d’un mari très attentionné. Dans le cadre du suivi des femmes guéries, le psychologue lui a demandé de partager son expérience aux participants à la formation des agents sociaux à la mobilisation et l'accompagnement psychosocial des femmes atteintes de fistule obstétricale. Elle a seulement tenu d’être accompagnée de  son mari. Une façon pour cette femme d’honorer l’homme qui a pu la soutenir pendant les moments les plus difficiles de sa vie.